Cannes jour 6
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Tous les jours, le point à chaud en direct du 77e festival de Cannes.

Le film du jour : The Substance de Coralie Fargeat

Internet est en train d’exploser. "Meilleur film de body horror jamais fait", "film le plus dingue des 20 dernières années", lit-on par exemple sur les réseaux sociaux pour parler de The Substance. Le film a chauffé la salle à blanc. Le public, anesthésié par une compétition un peu molle (Emilia Peréz d’Audiard avait toutefois réussi à flamboyer), a fait un véritable triomphe au deuxième long de Coralie Fargeat. L’histoire d’une actrice has been qui, virée du show d’aréobic qu’elle présentait, s’injecte une mystérieuse substance qui lui permet de se créer un clone d’une beauté idéale. Et Demi Moore devient Margaret Qualley une semaine sur deux. Evidemment, tout cela va mal finir. Le film est de fait hyper gore, hyper référentiel, hyper réjouissant, hyper découpé et coloré (Fargeat ne lâche rien niveau mise en scène pendant 2h20)... Même si ça ne finit pas au palmarès (et pourquoi pas cela dit), The Substance a fait son gros effet.


 

La star du jour : Kevin Costner dans Horizon : An American Saga

Il y a des method actors, Kevin est un method director”, nous expliquait l’actrice Sienna Miller pendant le press junket d’Horizon : An American Saga, chapitre un d’une série de films produits, réalisés et joués par Kevin Costner, pour souligner son investissement en tant qu’auteur, devant et derrière la caméra. L’auteur de Danse avec les loups, Open Range et Yellowstone livre un “chapitre un” de trois heures. Un western épique, où se croisent trois ou quatre récits, des dizaines de personnages, et c’est long, inégal, parfois balaise, parfois ronflant… mais quand l’acteur apparaît au bout d’une heure de film (seulement) sur grand écran, c’est un événement. Voilà, c’est ça le star power, jeunes gens : quelque chose de très évident, qui n’a rien à voir avec une quelconque méthode.

Cannes jour 6 : Kevin Costner a énormément investi dans sa saga western, Horizon
Abaca

L'interview du jour : trois questions à Paul Schrader

Bar du Carlton. 12h. Bruit d’un hall de gare un jour de départ en vacances. Enfoncé dans un fauteuil club, Paul Schrader, 77 ans, toussote. "Excusez-moi, j’ai de l’asthme !" L’entretien commence. Le cinéaste qui présentait il y a deux jours Oh, Canada en compet’, donne l’impression de parler dans la barbe qu’il n’a pas. Il a donc fallu tendre l’oreille pour grapiller ce que l’on pouvait.

Dans Oh, Canada, votre héros Leonard Fife (Richard Gere) se plonge dans la mosaïque de ses propres souvenirs. On pense à l’un de vos premiers films, Mishima (1985), qui épousait déjà cette structure complexe et subjective...
Paul Schrader : ... Je suis d’accord avec vous ! Ce sont deux films qui ne répondent à aucune norme dans la façon de raconter l’existence d’un personnage. Les deux héros cherchent à attraper leur propre vérité. J’ai l’impression d’avoir toujours recherché une ambivalence, un rapport clivé au sein même d’une individualité. Prenez Travis Bickle de Taxi Driver (Schrader est l’auteur du scénario) qui reste le héros matriciel de mon œuvre. Le spectateur perçoit les contradictions et les tensions qui l’animent. Lui, pas du tout, il ne regarde pas à l’intérieur de lui-même. Il avance dans un parfait brouillard.  En tant que cinéaste Marty (Scorsese) devait rendre ça lisible. A l’inverse, Mishima et Leonard Fife opèrent un travail d’introspection. J’aime que cette subjectivité soit visible à l’image. Voilà pourquoi dans Oh, Canada, j’ai multiplié les différents formats de narration(couleur, noir et blanc, largeur du cadre...) Bon, à l’arrivée, Travis et Leonard restent deux énigmes.

Avec le temps, vous avez l’impression de mieux vous connaître ?
Bien sûr que non, sinon je ne continuerais pas à écrire des histoires !

On peut voir Oh, Canada comme un film testamentaire. Est-ce vous pensez toutefois au coup d’après ? 
Je vais tourner en octobre ou en novembre un Film Noir autour de toutes les choses stupides que l’on peut faire par amour. Jamie Dornan avait accepté de tenir l’un des rôles principaux mais son agent lui a déconseillé de le faire prétextant qu’il devait arrêter de jouer les bellâtres façon Cinquante nuances de Grey. Du coup, je cherche un autre acteur sexy. C’est l’histoire de deux frères dont la mère vient de mourir de démence et leur a laissé un important héritage.  Ils vont s’affronter pour l’amour d’une femme et finir plus ou moins par s’entretuer. Soit l’essence originelle de la tragédie.

Richard Gere, Paul Schrader et Uma Thurman à Cannes 2024
ABACA

La punchline du jour : “J’espère qu’un jour la Russie t’enculera

En 2011, Emmanuel Carrère publiait un roman sur Édouard Limonov, qu’il avait rencontré à la fin des années 1980, avant de prendre ses distances avec les prises de positions pro-serbes de l'écrivain. Dans son adaptation en compétition à Cannes, Limonov, la ballade, le cinéaste Kirill Serebrennikov prend beaucoup moins de recul avec ce personnage controversé, dont il héroïse le parcours, de New-York à Paris en passant par Moscou, en le dépeignant en rebelle antipathique mais magnifique. Un point de vue dérangeant, alourdi par une mise en scène hyper stylisée dont le réalisateur de La fièvre de Petrov a le secret. On sauvera tout de même cette courte scène où Carrère en personne (par ailleurs consultant sur le film) rencontre Limonov (incarné par Ben Wishaw) et lui dit sa crainte que l’âme du peuple russe s’évanouisse avec la fin de l’Union Soviétique. “J’espère qu’un jour la Russie t’enculera”, lui rétorque l’auteur. 

Cannes 2024 Limonov
Wildside

La performance du jour : Souheila Yacoub dans Les Femmes au balcon (Séance de Minuit)

Découverte dans Climax de Gaspar Noé en 2018 (même si techniquement elle a commencé dans Plus belle la vie), Souheila Yacoub donne tout dans Les Femmes au balcon, deuxième réalisation de et avec Noémie Merlant. Trois femmes y fantasment sur leur voisin d'en face et se retrouvent coincées dans une affaire terrifiante et sanguinolente, où les hommes vont en prendre pour leur grade. Dans la peau d'une cam girl pas timide pour un sou (démente et inattendue scène de squirt), Yacoub vole pratiquement toutes les scènes où elle apparaît : seins nus 90 % du film, l'actrice est dans une liberté absolue, aussi à l’aise dans son corps que dans la comédie et ou l'horreur. Clairement une nouvelle étape dans sa carrière : préparez-vous à l'explosion Souheila Yacoub, elle est en cours.

La masturbation du jour : les momies de Rumours de Guy Maddin (Hors Compétition)

Les dites momies datant de l’âge de fer  se sont mystérieusement réveillées en marge d’un G7 en Allemagne. A la nuit tombée, au fond d’un bois lugubre, les revenants aux bandages cradingues placés autour d’un feu de joie s’adonnent à une séance de masturbation collective. Planqués dans les buissons: le chef de l'État français (Denis Ménochet), la chancelière allemande (Cate Blanchett) ou encore le président US (Charles Dance),  constatent avec effroi ce rite païen. Quand tout à coup, patatra, la sainte libération assombrit un peu plus l’espace. "La semence des anciens a éteint les flammes !", conclut médusé le premier ministre canadien (Roy Dupuis) Le monde court définitivement à sa perte… Cette improbable séquence arrive à mi-parcours du tout aussi improbable Rumours de Guy Maddin présenté Hors compet’. L’iconoclaste canadien signe une farce bunuelienne volontairement outrancière et décadente produite entre autres par Ari Aster et Cate Banchett herself. Déjà culte! 

Aujourd’hui à Cannes

Et si l’évènement du jour était la projection de quatre courts-métrages inédits d’Hayao Miyazaki du studio Ghibli lors de la remise de la Palme d’or d’honneur, dans l’après-midi ? Enfin, “inédits”, pas vraiment: ces films font partie de ceux montrés uniquement dans les murs du Musée Ghibli au Japon. Ça reste un événement de taille. Et comme, en plus, il y a Mei et le chatonbus, micro suite (tournée en 2002) de Mon voisin Totoro dedans, ça pourrait même finir dans le top cannois.

Pour revenir à la compétition pour la Palme, le challenger du jour est Ali Abassi qui s’attaque à la jeunesse de Donald Trump dans The Apprentice, avec Sebastian Stan en young Don et Jeremy Strong dans la peau de son avocat. On a hâte de voir comment l’auteur de Border et des Nuits de Mashhad va s’en sortir.

Mais Abassi n’est pas tout seul : habitué cannois, David Cronenberg est aussi là pour la Palme avec Les Linceuls, où Vincent Cassel se frotte à une technologie morbide capable de communiquer avec les morts.

Et les fans de Jonás Trueba font déjà la queue pour Septembre sans attendre à la Quinzaine, où un couple organise une teuf pour célébrer leur rupture.

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