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A quel moment a-t-elle vrillée ? Pendant longtemps, Nicole Kidman fut un masque d’une beauté marmoréenne. Une figure de style (et de cire) qui incarnait à la perfection le fantasme classique. Hitchcockien même. Beauté irréelle, comédienne surdouée - faut-il rappeler qu'elle a été la plus grande actrice du monde - Kidman fut successivement blonde traquée (Les Autres), égérie kubrickienne (Eyes Wide Shut), et lady oscarisée (The Hours)... avant de sombrer dans des films indignes de son talent (Australia ?). Une pub Schweppes affligeante (« what did you expect ? »), des rom com indignes et des perfs lamentables : l’accro au Botox torpillait brutalement une carrière démente. End of the story ?   Clone trash de Liz TaylorNon, parce que le miroir s’est brisé. La fissure commence avec Rabbit Hole. John Cameron Mitchell, cinéaste des marginaux déglingués (la chanteuse transsexuelle d’Hedwig and the Angry Inch, les partouzeurs de Shortbus), s’emparait d’un drame mortifère transpirant le sérieux et le bon goût pour mieux malmener les clichés du drame bourgeois et briser l’image normative du couple. 10 ans après Eyes Wide Shut, Kidman y interprétait une version terne et morbide d'Alice Harford, une bourgeoise hantée par la disparition de son enfant dont tous les choix semblaient être des impasses. Comme si la femme mariée n'était même plus un possible narratif...  Cet été, dans Effraction, elle se réincarnait en Hestia. Mais une déesse du foyer plus ambigüe qu’il n’y parait. Face à un Nicolas Cage en roue libre (lunettes fumées et costard de banquier), Joel Schumacher lui offrait un vrai rôle (de) tordu : épouse fidèle et forte ou “salope” prête à coucher avec le premier ouvrier venu ? C’est l’une des clés du film, sa tension principale, et Kidman joue ça à la perfection, brouillant encore un peu plus les frontières, cassant définitivement son image de femme parfaite.Icone Queer ? Dans le genre, rien ne pourra dépasser sa prestation over the top dansPaperboy. En pin-up nympho qui pisse sur Zac Efron, porte des mini-jupes affolantes et passe la majeure partie du film jambes écartées, elle fut LE scandale cannois. La scène renversante, d’une vulgarité hallucinante, où elle effectue une fellation à distance à un John Cusak médusé montre que, plus que de la simple provocation, Nicole effectue son grand come back. A l’origine, la scène n’était pas écrite de cette façon. Dans le scénario, Lee Daniels avait été plus elliptique. Nicole Kidman a tout lâché, tout donné, pour une séquence suffocante.Evidence : le temps de sa splendeur hollywoodienne est derrière elle. Conséquence : Kidman a visiblement choisi de rebondir en cassant son image de Grace Kelly. En devenant une poupée barbie sursexuée, ce clone trash et dérangeant de Liz Taylor - chez Lee Daniels, mais pas seulement.Du coup, pas étonnant que Kidman ait un moment pensé porter le destin d’Einar Wegener au cinéma. Le film (pour lequel elle avait envisagé Tomas Alfredson à la réalisation) devait raconter le parcours du premier transsexuel de l’histoire.Après avoir été la nouvelle Grace Kelly, Kidman serait donc en train de se réinventer en étendard queer. Quelque part entre Marlene et Liz Taylor ? Egérie de cinéastes ouvertement homosexuels (Lee Daniels, John Cameron Mitchell, Gus Van Sant et Joel Schumacher), prête à toutes les provocations sexuelles et sociales (Paperboy n’est que ça), son registre est clairement en train de changer. De femme parfaite, elle devient un personnage au pouvoir érotique affolant, constamment menacée par le kitsch - comme une cousine US des petites traînées décolorées des films de Wong Kar-waï. La cire a coulé mais Kidman est en train de se reformer.Gaël Golhen