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Ce qu’il faut voir ou pas en salles cette semaine.

Comancheria ***
De David Mackenzie

L’essentiel
Un grand western contemporain écrit au couteau par le scénariste de Sicario.

C'est un film de braquage, qui rappelle aussi bien les westerns classiques que les films de la grande dépression des années 30. Le nom même des personnages -les frères Howard- est une référence transparente : Mr Howard était le pseudonyme de Jesse James, et lui et ses frères braquaient des banques pour nourrir leurs familles. Ils rappellent aussi John Dillinger, devenu un héros populaire aux yeux de tous les gens ruinés par le système bancaire et financier.
Ici, les deux frères braquent des petites banques de l'est du Texas selon un plan précis destiné à limiter les risques : ils ne prennent que l'argent des tiroirs, celui qui est intraçable. Ils sont bientôt poursuivis par deux Texas Rangers dont le plus vieux (Jeff Bridges) n'a pas l'intention de partir à la retraite sans un coup d'éclat.
Gérard Delorme
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Frantz ***
De François Ozon

Allemagne, fin 1918. Anna se rend tous les jours sur la tombe de son fiancé, Frantz, mort dans les tranchées. Un jour, elle aperçoit un jeune homme en plein recueillement. Adrien est Français et il a connu Frantz à Paris. Anna et ses beaux-parents le font entrer dans leur vie.

Tourner en langue étrangère stimule l’imagination romanesque de François Ozon. Neuf ans après Angel, il réalise un nouveau mélodrame stylisé, cette fois dans un beau noir et blanc que la couleur vient trouer lorsque les personnages ont le cœur léger, « astuce » un peu simpliste dont il n’abuse pas trop. Avec un jansénisme pour ainsi dire hanekien (la bourgade allemande rappelle d’ailleurs celle du Ruban blanc), François Ozon sème en mode mineur les graines d’un drame majeur qui prend corps dans le dernier tiers du film, bouleversant de fatalité. Face à l’impeccable Pierre Niney, fiévreux à souhait, Paula Beer impose sa présence délicate et sa beauté classique. Mieux qu’une révélation, une évidence.
Christophe Narbonne

Infiltrator ***
De Brad Furman

Walter White chez Escobar : difficile de s’empêcher de réduire Infiltrator à ce pitch quand on découvre Bryan Cranston en sous-marin dans les cartels colombiens. Robert Mazur, l’infiltré du titre (le film est adapté de son autobiographie), ressemble au héros de Breaking Bad : un homme un poil au-dessus de la moyenne – son génie de chimiste est remplacé ici par des talents d’agent double – plongé par nécessité dans un panier de crabes mortel. Au-delà du plaisir de voir une variation sur un des meilleurs personnages de fiction des dernières années, le film surprend (agréablement) par les chemins narratifs tortueux qu’il prend pour ne surtout pas être un énième « Pablo Escobar movie ».
Vanina Arrighi de Casanova

Jeunesse ***
De Julien Samani

Avide de nouveaux horizons, Zico, 20 ans, embarque sur un cargo au Havre. Des tensions vont l’opposer aux hommes d’équipage. Les fantasmes d’ailleurs, façon Corto Maltese, virent rapidement de bord dans la tête du jeune héros (Kevin Azaïs, remarqué dans Les Conquérants). Son aventure sera avant tout mentale. Adapté d’une nouvelle de Joseph Conrad, le film se présente comme un mystérieux survival marin, dans lequel la menace est intérieure : le monstre à domestiquer est moins le déchaînement des vagues que le rafiot sur lequel Zico cherche à garder son équilibre existentiel. Décati, rouillé, fumant, ce volcan mécanique risque à tout instant d’exploser et de se perdre en mer – tout comme la raison des marins, déjà bien amochée. Mené par un capitaine mi-tendre mi-lunatique (le formidable Jean-François Stévenin) et son second, plus rationnel (Samir Guesmi, toujours aussi intense), ce drôle d’équipage nous entraîne dans une odyssée hallucinée, qui tangue élégamment entre un romanesque empêché et l’abstraction métaphysique.
Eric Vernay

Eternité **
De Tran Anh Hung

Le chantier était de taille : résumer toute la futilité et l’intensité de la vie dans des instants d’existence d’une seule et même lignée. Le réalisateur de L’Odeur de la papaye verte réussit pourtant son pari en donnant à son Éternité  des airs de poème visuel, composé d’autant de tableaux d’une beauté saisissante. Sous un éclairage léché et des plans cadrés avec une précision d’orfèvre (il n’est pas interdit de penser à Terrence Malick), Audrey Tautou, Bérénice Bejo et Mélanie Laurent resplendissent d’une sensualité éthérée. L’ennui n’est jamais loin – le récit se répète à l’infini – et on pourra être, au choix, lassé ou envoûté par sa mise en scène contemplative. Pourtant, malgré son langage cinématographique minimaliste, Tran Anh Hung n’oublie jamais d’insuffler du sens dans cette épopée de la vie au centre de laquelle trônent les femmes. 
François Léger

Voir du pays **
De Muriel et Delphine Coulin

Amies d’enfance, Aurore et Marine se sont engagées dans l’armée moins par conviction que par manque de perspectives. À leur retour d’Afghanistan, elles séjournent avec leur section dans un grand hôtel chypriote pour « décompresser ». Le stress post-traumatique peut-il être évité grâce à une prise en charge rapide ? C’est la question posée par le deuxième film des sœurs Coulin qui, comme dans 17 Filles, explore les conséquences des choix radicaux qui dessinent un destin. Victimes des circonstances, rattrapées par leur conscience, Aurore et Marine incarnent les incertitudes du moment que les réalisatrices synthétisent de façon à la fois scolaire et édifiante.
Christophe Narbonne

Ben-Hur *
De Timur Bekmambetov

On connaît l’histoire, gravée dans les mémoires grâce au chef d’œuvre de William Wyler. Le cinéaste russe n’a pas décidé de la révolutionner ni d’y ajouter des vampires, et c’est peut-être dommage : un peu d’audace lui aurait évité la comparaison avec son illustre prédécesseur. L’amitié passionnelle, la trahison, la déchéance, la vengeance, les collines de Judée, Jésus, la course de chars… Tout y est. En moins bien. La seule séquence qui mérite cette réactualisation par ailleurs insensée est peut-être celle de la bataille navale, lorsque que Ben-Hur n’est plus qu’un galérien à l’aube de sa vengeance. Malgré ça, Ben-Hur 2016 n’arrive pas à la cheville du Ben-Hur de 1959 et ne semble exister que pour les récalcitrants au cinéma d’avant les années 2000.
Vanina Arrighi de Casanova

La Nuit et l’enfant *
De David Yon

Au plus profond d’une nuit interminable, un homme et un enfant fuient d’étranges poursuivants dans les hautes steppes de l’Atlas. Ce récit initiatique bourré de symboles est sensé raconter le lourd héritage historique de la région de Djelfa, en Algérie. Mais ce poème visuel expérimental est si hermétique et brouillon qu’il perd toute sa puissance d’envoutement. Un crève-cœur tant La Nuit et l’Enfant aurait pu résonner comme l’écho mystique et minimaliste de La Route ou encore de Midnight Special.
Mathias Averty

Relève – histoire d’une création *
De Thierry Demazière

En filmant la préparation du premier spectacle de Benjamin Millepied en tant que directeur de la danse de l’Opéra de Paris, ce docu nous vend une success-story. Celle, lisse et séduisante, d’un jeune chorégraphe glamour venu dépoussiérer l’institution française avec ses méthodes modernes en toute décontraction. Or, on le sait, Millepied a démissionné quelques mois plus tard : l’histoire de cet échec, laissée hors champ, reste donc à raconter.
Eric Vernay

Mandorla 0
De Roberto Miller

Assailli de visions médiévales, un artiste se perd entre rêve et réalité... Aussi abscons que visuellement moche (des images anamorphosées pour simuler une réa- lité parallèle, vraiment ?), cet essai cinématographique fait pschitt, malgré la réelle implication de l’acteur réalisateur, très habité par son rôle.
Christophe Narbonne

Et aussi
Iru Mugan d’Anan Shankar
Rodéo de Gabriel Mascaro
Baar Baar Dekho de Nitya Mehra

Et les reprises de
Le Schpountz de Marcel Pagnol
Naïs de Raymond Leboursier
Topaze de Marcel Pagnol
Propriété privée de Leslie Stevens