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1/ My Own Private Idaho de Gus Van Sant

 My Own Private Idaho - Bande annonce Vost FR par _Caprice_

C’est avec ce film que Big K devient une icône. Road-movie psychédélique, hommage à Shakespeare et Orson Welles, cette histoire de deux toxicos qui se prostituent pour survivre est un mélo fabuleux où l’amitié tutoie l’amour. La beauté exotique et flamboyante de Keanu fait merveille face à celle tourmentée de son pote River Phoenix, néo-James Dean. En quelques plans, Reeves devient l'égérie du nouveau monde. Une apparition. 

2/ Intuitions de Sam Raimi (2000)

 

Keanu casse son image dans le thriller fantastico-sudiste de Sam Raimi. L'histoire ? Annie (Cate Blanchett) est une mère courage paumée dans un bled de Géorgie et qui pratique gentiment la voyance. Jusqu'au jour où la petite allumeuse Jessica disparaît. Annie s'attire la haine de ses concitoyens. Baignée dans un climat délétère, ce drôle de film d'horreur signé Billy Bob Thornton rappelleDélivrance et vaut par sa description chargée d'une Amérique white trash arriérée. Précisément ce qu'incarne Mr K, beauf violent qui bat sa femme, boit des bières et s'assoupit dans sa crasse... La langueur du récit, la moiteur des éclairages, la justesse de Reeves sont (vraiment) pour beaucoup dans la force climatique de ce petit bijou.

3/ Johnny Mnemonic de Robert Longo (1996)

 Johnny Mnemonic Teaser VF par _Caprice_

Premier film de l'artiste Robert Longo, Johnny Mnemonic est le fruit d'une collaboration entre Longo et William Gibson, pape du cyberpunk qui se conclut par un flop commercial atomique. Johnny Mnemonic fait partie de ce que la néo science-fiction 90's a produit de plus intéressant. Surtout parce qu'en parfait cinéaste-contrebandier, Longo fait de ce film d'action une oeuvre radicale et politique qui rappelle celle d'un Carpenter. Au coeur de ce thriller subversif, peuplé de figures contre culturelles (Takeshi Kitano, Johnny Rotten, Ice-T…) Mr K est le Johnny du titre, un mercenaire aux allures de cadre sup qui bascule progressivement dans le camp des résistants. Avant Matrix, une oeuvre essentielle de la contre-offensive postmoderne avec un Reeves déjà parfaitement décoratif et convaincant.  

4/ Point Break de Kathryn Bigelow (1991)

 

Impossible de passer outre ce classique. Un agent du FBI (Keanu Reeves donc) à la poursuite de braqueurs infiltre une communauté de surfers, sur laquelle règne Bodhi (Patrick Swayze). Beaucoup d'hormones mâles, beaucoup de torses huilés filmés par Bigelow avec un plaisir évident. Le duel entre Keanu Reeves et Patrick Swayze s'enrichit d'un sous-texte homo, et le film d'action se transforme en étude sur l'héroïsme masculin. Là, surtout, Keanu devenait obscur objet du désir du cinéma hollywoodien (avant Speed) et prenait, dans ce registre, officiellement le relais de Swayze... 

5/ River's edge de Tim Hunter (1986)

 

L'un des plus beaux films de sa carrière (et l'un des plus mal connus). Une rêverie gothique, un tee movie dark et éthéré signé par un des futurs réalisateurs de Twin Peaks. L'histoire est simple : sur la berge d'une rivière, le corps dénudé d'une adolescente assassinée. Dans le lycée voisin, Samson se vante auprès de Matt et ses amis d'être le meurtrier. Saouls et jointés, les ados se rendent près de la rivière et découvrent que leur ami n'a pas menti. Ils décident, contre toute attente, de protéger Samson. Dans le rôle de Matt, le leader ado, le K s'offre un rôle complexe, ambigu, et, en jean et chevelu, devient l'incarnation du mal-être ado.   

6/ Matrix de Andy et Lana Wachowski (1998)

 

Fantasme cyberpunk signé par les Wachowski, c'est la pierre angulaire de la cinéphilie contemporaine. En hacker défenseur de l’humanité face aux machines, Reeves entame le nouveau siècle en majesté, vêtu de son imper noir. L’idée qu’il puisse disputer leur sceptre aux rois de sa génération (Brad, Johnny, Sean) n’apparaît pas complètement dingue à l'époque. Mais passés les deux autres Matrix sa filmographie ne franchira jamais le palier décisif. 

7/ A Scanner Darkly de Richard Linklater (2006)

 

Entre bande animation et film de jointé, A Scanner Darkly est une adaptation au rotoscope du maître SF cintré. Le résultat, déstabilisant, est aussi l'un des trucs les plus intrigants de la carrière de Keanu Reeves. Il joue deux personnages antagonistes (Bob Arctor et Fred, le pilier d'une communauté de drogués et l'agent des stups chargé de les espionner) le tout sous une couche animée hallucinogène. Vertige ultime de l'acteur (qui n'est plus tout à fait lui et double à la fois) et belle métaphore d'une carrière qui a toujours oscillée entre la loi et le désordre, l'élu et le marginal, le héraut futuriste et l'icône générationnelle. Mine de rien, on tenait peut-être l'autoportrait le pus pertinent de ce poster boy pas comme les autres. 

Pierre Lunn