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Le réalisateur nous dit tout sur son nouveau bébé.

Rétroactivement, il serait facile de penser que le succès des Gardiens de la galaxie était une évidence. Pourtant, il fallait pas mal d’audace et une sérieuse confiance en soi pour imaginer qu’un film de superhéros avec des personnages totalement inconnus du grand public, dont un raton laveur doué de parole, allait affoler le box-office. Des outsiders qui se sont taillés la part du lion et rivalisent désormais en popularité avec Iron Man ou Captain America. Trois ans après avoir prouvé qu’il détenait la formule magique, le réalisateur James Gunn remet le couvert avec un Vol. 2 surexcitant, qui réunit toute la bande et quelques nouvelles têtes très connues – réussite oblige. 

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Il y a trois ans, Les Gardiens de la galaxie était un pari risqué. C’était le premier film "cosmique" de Marvel, avec des personnages totalement inconnus du grand public...
James Gunn : Ce qui n’est plus vraiment le cas aujourd’hui !

Justement, qu’est-ce que le succès a changé dans votre façon d’aborder cette suite ?
Quand on est réalisateur, on vit avec une anxiété permanente. Retranscrire à l’écran une vision que vous avez dans la tête génère forcément quelques angoisses. Surtout quand vous devez en même temps apprendre à Chris Pratt à jouer la comédie (Rire). Sérieusement, pour le premier, j’avais peur de faire tout ça pour rien. Que personne ne voit le film, qu’il soit le premier bide Marvel parce que trop bizarre, trop ésotérique… Pour Les Gardiens de la galaxie 2, cette peur a disparu. Pas mal de réalisateurs sont effrayés à l’idée de faire une suite. On s’en parle souvent entre cinéastes, mais je ne comprends pas leur point de vue. Cette fois, les gens attendent vraiment de voir le film ; ils en ont envie ! Je sais que je bosse pour eux et pas uniquement pour moi. L’expérience est bien plus facile.

Même avec la pression de devoir s’intégrer dans un univers plus large ? Je pense à Avengers : Infinity War, dans lequel les Gardiens ont un rôle à jouer. Vous n’êtes plus tout seul dans votre coin.
Il n’y a pas de pression car ce sont aux frères Russo (les réalisateurs d'Avengers : Infinity War) de s’adapter. Depuis le début, il était clair qu’ils devraient gérer avec ce que j’avais écrit. Et si je fais un troisième film, ce sera à moi de me débrouiller avec ce qu’ils auront fait. La dernière fois, quand Kevin Feige (le patron de Marvel Studios) et moi n’étions pas d’accord sur un point, on lâchait tous les deux du lest. Cette fois, j’avais vraiment une liberté quasi totale.

C’est parfois à double tranchant...
Je suis tout à fait d’accord. Je pourrais très bien me dire que je suis un génie et n’en faire qu’à ma tête. Mais j’ai vu tant de réalisateurs que j’aimais étant gamin avoir trop de liberté et se mettre soudainement à faire des films merdiques. Je fais très attention à me raccrocher à la réalité. Il faut trouver le juste milieu entre suivre ce que me disent mes tripes – faire les choses auxquelles je crois, me battre pour une vanne qui ne marchait pas à la projection-test – et savoir lâcher sur certaines choses que j’avais pourtant très envie de voir dans le film. Je dois écouter Kevin Feige, comme toute mon équipe d’ailleurs. Parce que parfois on se laisse submerger, on n’a plus les idées claires. Mon ego n’a pas d’importance, seul le film compte. 


À la sortie du premier Gardiens, le Los Angeles Times publiait un article qui disait en substance que le film était l’étendard d’un cinéma "post-intrigue" ("post-plot" en VO). Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Je n’ai jamais commenté ce papier dont vous parlez, pour ne pas que ce soit monté en épingle, mais c’est totalement ridicule. Post-intrigue ? On avait un début, un milieu et une fin. Ça n’a aucun sens. Le journaliste avait une théorie qu’il voulait absolument calquer sur le film. C’est ce qui arrive quand les gens veulent un bon titre pour générer du clic au lieu de vraiment parler de ce qui se passe à l’écran.

J’ai l’impression que l’article évoquait plutôt l’abondance de personnages et la difficulté de créer une histoire cohérente autour d’eux. Qu’ils n’étaient jamais en danger, qu’ils manquaient un peu de profondeur. 
Désolé, mais ce n’est pas vrai non plus! La raison pour laquelle les gens sont allés voir ce film plusieurs fois, la raison pour laquelle dans sa dixième semaine Les Gardiens de la galaxie battait encore n‘importe quel autre film de science-fiction ou de super-héros, c’est que les spectateurs ont aimé les personnages !

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Mais si vous le pouviez, vous feriez les choses différemment aujourd’hui ?
Je changerais plein de trucs. Mais pour moi le problème n’est pas là où vous le pensez. Si je devais faire la critique de mon propre film, je dirais que l’intrigue était partagée en deux : d’un côté l’histoire du méchant qui pour plusieurs raisons n’était pas la meilleure ; et de l'autre l’histoire d’un groupe d’outsiders qui ne se connaissent pas, incapables de créer des liens, et qui tombent amoureux les uns des autres au cours du film. Mon problème, c’est que ces deux histoires n’étaient pas bien entremêlées. Et que certains personnages avaient plus de temps à l’écran que les autres, notamment Peter Quill/Star-Lord (Chris Pratt). Ce n’est pas le cas avec le second film. Le personnage de Chris Pratt est à égalité avec ceux de Michael Rooker et de Zoe Saldana. Dans le premier, il fallait introduire tous les personnages principaux en une vingtaine de minutes. Quelle galère quand on veut raconter une histoire! Heureusement, cette fois, plus besoin.

Et le thème de la famille est toujours central.
Le premier film parle de la création d’une famille, celui-ci du fait d’en être une. Tomber amoureux est très facile, le rester est une autre paire de manches ! C’est l’histoire de gens esquintés par la vie qui ne se sont jamais sentis proches de personne. L’idée de former une équipe est excitante pour eux, mais il faut vivre ensemble dans un minuscule vaisseau bordélique ! Ça ne fonctionne pas aussi bien qu’ils l’auraient espéré. Et au cœur de tout ça, il y a la relation entre Peter Quill et son père, ainsi que celle avec son « père adoptif » violent, Yondu. Et tout un tas d’autres relations dysfonctionnelles. Bon... évidemment, là-dessus, on ajoute de l’action et de l’aventure.

Vous avez dit que ce film serait plus orienté science-fiction que le premier. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Que le premier aurait pu se dérouler n’importe où ailleurs que dans l’espace en changeant quelques petits éléments. Là, on est sur de la science-fiction high concept. On s’attarde beaucoup plus sur la façon dont ils voyagent dans l’espace. Et puis le père de Star-Lord, joué par Kurt Russell, est une planète : pourquoi ? Comment ça marche ? Vous verrez bien.

Oui, la question se pose ! Dans un extrait du film, après avoir expliqué à tout le monde qu’il est une planète vivante, on apprend que Kurt Russell a quand même un pénis. C’est rassurant pour lui.
Ah Ah. Ouais : Kurt Russell a un pénis ! Il n’arrêtait pas de me le montrer sur le tournage, je lui disais : "Kurt, enlève ça de ma vue, c’est affreux, arrête!" (Rire.) Je plaisante, mais j’ai toujours voulu introduire le personnage d’Ego dans le film, que la relation entre Peter Quill et son père soit au cœur de l’histoire. Le rôle de Kurt est aussi important que n’importe quel Gardien et comme il prend chaque scène, chaque réplique comme un défi, ça rend le processus créatif d’autant plus passionnant. C’est un personnage compliqué et je ne pouvais pas trouver de meilleur acteur pour l’interpréter.

Vous avez également une autre légende au casting : Sylvester Stallone.
Un des producteurs de Marvel Studios, Louis D’Esposito, est ami avec Stallone de- puis longtemps. On avait un rôle clé à cas- ter, une sorte de figure paternelle de Yondu, et on avait besoin de quelqu’un qui puisse en remontrer à Michael Rooker. Pas facile ! Michael Rooker est un mec flippant. Pour le dominer, il fallait quelqu’un avec une personnalité "larger than life", et Sylvester Stallone était évidemment parfait. C’est Stallone, quoi !

Les Gardiens de la galaxie 2 : On en sait plus sur le rôle de Sylvester Stallone

Les Gardiens de la galaxie 2, en salles le 25 avril.