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Pour son premier long métrage, La Tortue rouge, le cinéaste hollandais a été adoubé par le studio de Miyazaki. Une performance.

Petit-fils d’une Montpelliéraine, marié à une Française, Michaël Dudok de Wit s’exprime dans notre langue avec une aisance tranquille. Il revient pour nous sur la genèse de La Tortue rouge, film d’animation sur un naufragé à la beauté sidérante.

 

Deux de vos courts métrages, Le Moine et le Poisson et Père et Fille, ont reçu respectivement un César en 1996 et un Oscar en 2000. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps avant de passer au long ?

Ce n’était pas mon ambition. J’ai fait un autre court métrage derrière ces deux-là, puis des publicités. Puis, un jour, j’ai reçu une lettre officielle du studio Ghibli qui me proposait son aide au cas où ou je désirerais passer au long métrage. Un sacré choc ! Je les respecte tellement… J’ai compris ensuite que je travaillerais avec Suzuki, le producteur historique des films Ghibli, et aussi avec Takahata.

 

Quel a été précisément le rôle de Takahata ?

Au début, lui et Suzuki s’enquéraient juste de savoir si le projet allait dans la bonne direction. Ils ne me connaissaient pas bien, c’était normal. Dès le départ, je leur ai montré que j’accordais beaucoup d’importance à leurs remarques. On a développé une relation basée sur le dialogue et, finalement, ils n’ont pratiquement pas interféré sur le projet. C’étaient comme des parents bienveillants.

 

Pourquoi dites-vous que n’aviez pas l’ambition de faire un long métrage ?

Pour deux raisons. D’abord, j’aime le court-métrage, tout simplement. C’est un art en soi, très personnel, comme un poème. J’ai observé, par ailleurs, que pour mes collègues qui s’essayaient au long, c’était excessivement compliqué. Certains n’y sont jamais arrivés. 

 

Cannes 2016 : La Tortue rouge est d’une émotion sans commune mesure

 

Comment vous est venue l’idée de cette robinsonnade ?

Depuis mon enfance, j’adore l’idée d’un personnage isolé dans la nature, typiquement un naufragé sur une île déserte tropicale qui veut rentrer chez lui à tout prix. Je voulais à la fois du suspense et du romanesque. C’était compliqué car l’écriture d’un long nécessite des techniques narratives que je ne possédais pas.

 

L’idée d’un film sans paroles existait-elle dès le départ ?

Non. Il était clair dans mon esprit qu’il y aurait peu de dialogues mais j’en avais imaginé quelques-uns pour la clarté de l’histoire. Je me suis vite rendu compte que c’était bizarre, que ça sonnait faux. C’est à ce moment-là que j’ai fait appel à Pascale Ferran pour m’aider. Elle a travaillé sur plein d’aspects du film, notamment sur les dialogues. Elle a en écrit beaucoup. Il fallait en passer par cette étape, avant de changer complètement de direction.

 

N’a-t-elle pas été frustrée ?

Ce n’est pas ce qu’elle avait prévu mais elle a été la première à dire, après quelques essais, que ça ne marchait pas. 

 

La Tortue rouge est une parabole sur le sens de la vie que chacun peut interpréter avec sa propre sensibilité. Quel était votre but ?

Exactement celui-là, bien que l’idée se soit pas de laisser le spectateur se débrouiller tout seul. Certaines choses sont très clairement établies, d’autres moins. Le mystère du film n’est pas une façon de se défiler. C’est un mystère qui a sa beauté qu’il appartient à chacun de s’approprier. 

 

Le film est visuellement très dépouillé, avec une ligne claire. Il ressemble aux productions Ghibli.

Ce n’était pas mon intention de départ. Les personnages sont, je trouve, très différents dans le traitement. Je dirais plutôt que mon film évoque Ghibli. Il y a une sensibilité commune, que les gens du studio ont devinée chez moi.

 

Va-t-on devoir attendre quelques années avant de voir votre deuxième long métrage ?

Je n’ai aucun projet. La Tortue rouge m’a pris beaucoup de temps et la promotion va m’en prendre encore. J’ai hâte de voir la réaction du public japonais. C’est un honneur tellement énorme que m’a fait Ghibli. J’aimerais leur rendre ce qu’ils m’ont donné.

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