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Y aurait-il quelque chose de pourri au royaume de Pixar ? La suite des aventures de Flash McQueen enchaîne les critiques négatives. Mais que se passe-t-il ? Eléments de réponse ici, maintenant, tout de suite. Pour ceux d’entre vous qui ne connaîtraient pas ce site de référence américain, Rotten Tomatoes est une base de donnée recensant des critiques de films et qui les classe par pourcentage. En gros, au-dessus de 60%, un long-métrage est qualifié de « fresh » (comprenez super). En dessous, c’est mauvais signe... Alors que Cars 2 sort aujourd’hui aux US, il ne reçoit que 39% d’avis positifs et devient du coup le premier échec critique du studio Pixar. Une révolution ?Pixar : un parcours sans faille… jusqu’à aujourd’hui ?En matière de cinéma, John Lasseter et Pixar incarnent en effet la success story la plus folle de ces 20 dernières années. 11 films en 15 ans, autant de chefs d’œuvre, une suprématie artistique et technologique sidérante. Le studio à la lampe, parrainé par Steve Jobs et George Lucas, aura d’abord été le lieu d’une révolution technologique mise en scène dans des scripts déments. Puis, une fois cette technique maîtrisée (Les Indestructibles), Pixar est parti ailleurs. L’art, la poésie, la performance sont devenus leurs nouveaux playgrounds. Cars et sa mythologie americana, Les Indestructibles et la relecture du comics, Ratatouille et sa poésie françaiseWall-E et sa première demi-heure muette ; Là-haut et ses cinq premières minutes qui font chialer les plus durs… Chaque film est plus audacieux que le précédent et explose le cahier des charges originel (caractérisation des personnages, immensité du gag) pour devenir à la fois un succès critique et un carton au box-office. En bref, Pixar est devenu plus qu’un studio d’animation : un label synonyme de qualité et de savoir-faire. Sur Rotten Tomatoes, 10 des 12 films du studio à la lampe ont ainsi reçu plus de 90% d’avis favorables (dont deux cartons pleins impressionnants pour les premiers volets de Toy Story, 99% d’avis positifs pour le troisième film, sorti l’année dernière, 98% pour Là-Haut…).Alors, comment font-ils ? Simple : si Pixar (et Disney depuis que Lasseter a repris le contrôle) est la plus belle réussite de l’histoire de l’animation ever, c’est que directeur et ses phalanges ont réussi à allier sincérité et calcul, innocence et « business plan ». Cette image du studio qui repousse les limites, qui ne marche qu’aux sentiments et à l’innocence, a réussi à nous convaincre que « chaque film est fabriqué avec le cœur »,comme Lasseter le répète à longueur d’interview, ou que « la compagnie célèbre l’esprit des pionniers ». Ce qui permet aux enfants (et aux adultes) d’entrer dans la salle en laissant leur esprit vagabonder sans entraves dans un monde merveilleux. Et c’est pour ça qu’ils réussissent les plus beaux films de l’année CHAQUE ANNEE. Cars le mal-aiméChaque année ? Vraiment ? En 2006 sortait Cars. Sur Rottentomatoes, le film de bagnoles de Lasseter ne ramassait « qu’un » 76% d’avis favorables. Un échec critique à l’échelle du studio. Trop poétique ? Trop américain ? Trop conservateur (un bel éloge de la lenteur dans un monde qui va trop vite) ? Trop marketé ? Toujours est-il que la petite merveille motorisée de Lasseter (c’est notre avis et on le partage, merci) avait déstabilisé critiques et spectateurs… qui s’étaient malgré tout déplacés en masse. Cars n’avait pas brisé la chaîne des succès de la marque, mais par contre, avait fait dérailler l’espace d’un –court- instant l’infaillibilité du gourou Lasseter. On lui reprochait son calcul stratégique (le film aurait été conçu pour faire vendre des produits dérivés)…  Cars 2 déchaîne les critiques Evidemment, c’est ce qu’on reproche au 2. Et les critiques ne sont vraiment pas tendres. « Le film démontre qu’un hit ne mérite pas forcément une suite »pour USA Today. « Cars 2 est encore pire que le premier » affirme le New York Post. On peut lire dans le Wall Street Journal : « La loi des probabilités a finalement eu raison du studio le plus remarquable de l’histoire du cinéma moderne, la société rêvée qui a fait vivre Buzz l’éclair et rendu célèbre son cri ‘Vers l’infini et au-delà !' Cette suite nous entraîne plutôt au-delà de la médiocrité. »Hola. On trouve bien quelques critiques plus sympathiques - dans le Los Angeles Times, par exemple : "Cars 2 offre des leçons sur l’importance de l’amitié et d’être soi-même, tout en ajoutant de nouveaux personnages super, à travers une histoire d’espionnage et de courses de voitures. Ou Le San Francisco Chronicle :  « En termes d’intrigue, d’atmosphère et de ressenti global, Cars 2 offre une toute nouvelle expérience ». Mais du bout des lèvres, poliment…Globalement, c’est un déchaînement. A tel point qu’on se demande si certains n’attendaient pas le premier faux pas de Pixar. 11 sans fautes à la suite, c’est un exploit à Hollywood. Et la réception de Cars 2 par certains journalistes semble un peu exagérée. Prenons la conclusion d’un article de Slate : « On attend tellement plus qu’un film charmant de la part de Pixar l’on se sent presque trahi par Cars 2».  Au sein du Philadelphia Daily News, même son de cloche : « Cars 2 ne ressemble pas du tout à un Pixar. Il échoue à nous faire ressentir autant d’émotions que d’habitude, enchaîne les gags à un rythme effréné, comme ses concurrents, et finit par être le film le moins original de la marque ». Ouch !Pixar : le début de la fin ?Plus que Cars 2, ce qui est visé c’est donc Pixar – et à travers lui Lasseter ! Cela fait plusieurs mois que des cinéphiles tirent la sonnette d’alarme. On reproche au studio de tomber dans la facilité, en multipliant les suites. La qualité de Toy Story 3 et son succès dans les salles avaient calmé les inquiétudes. Pourtant, si on y regarde de plus près, TS3 ne remettait jamais en perspective la mythologie de la série et refusait de s’interroger sur la quête d'identité des jouets. D’un seul coup, ce qui comptait n’était plus le concept, mais le gag. Le film paraissait même ivre de ses propres prouesses quitte à sacrifier ses personnages pour une bonne vanne… Finalement, ce qui est reproché à Lasseter, ce n’est pas la qualité de son film mais de suivre le courant. Depuis Là-Haut, tous les Pixar sortent en relief (on sait pourtant qu’au sein de Pixar, beaucoup de voix – dont celle dAndrew Stanton, le réalisateur de Wall-E - s’élèvent contre la 3D à tout prix). La boîte inaugure même des spin-off de ses propres films qui sortent directement DVD, comme Planes, un dérivé de Cars. Pire, un projet est récemment tombé à l’eau ! Une première pour le groupe. Newt qui devait sortir d’ici 2013 - déjà déplacé pour privilégier le prequel de Monstres & Cie 2 - a finalement été abandonné. Une première pour le studio, qui aurait eu peur des similitudes entre son histoire et celle de Rio.Alors, c’est si grave que ça docteur ?Non, parce que ce que les journalistes font payer à Lasseter, c’est finalement de faire grandir Pixar, de le transformer en vrai studio et plus en paradis de geeks qui pouvaient faire leurs petits films d’auteurs en 4 ans - ce qui était en soit une situation absolument hors normes dans l’économie hollywoodienne.Et pour l’instant, ça marche : l’an dernier, Toy Story 3 était le premier film d’animation Pixar à entrer dans le top 10 des plus gros succès dans le monde (en termes de recettes). Il a même passé la barre symbolique du milliard de dollars. Cars 2 ne renouvellera certainement pas cet exploit, le premier volet étant moins populaire que les aventures de Woody et Buzz l’éclair. Mais les analystes parlent d’un premier week end à 50 millions de dollars… et on rappellera que le premier Cars avait tout de même rapporté 461 millions de dollars de recettes.On peut toujours s’acharner sur Lasseter, mais ce qu’il fait actuellement, c’est juste suivre le mantra de son studio, qui nous a tous fait rêver : « Vers l’infini et au-delà ».Elodie Bardinet et Gaël GolhenCars 2 sort mercredi 27 juillet en France. Bande-annonce :