Take this waltz de Sarah Polley
UGC Distribution- Joe's daughter- Astral Media- The Harold Greenberg Fund

Arte diffuse ce soir cette pépite romantique interprétée par Michelle Williams, inédite en salles

Take this waltz, le deuxième long métrage de Sarah Polley, aurait dû sortir en salles en France en janvier 2013, six ans après le bouleversant Loin d’elle (qui lui avait valu une nomination à l’Oscar du scénario). Mais d’implacables considérations de business (la peur de ne pas dépasser les 100 000 entrées et donc d’investir à perte les 400000 euros qu’une sortie en salles aurait nécessités) ont conduit UGC à finalement renoncer. Voilà pourquoi une séance de rattrapage s’impose encore plus dare- dare ce soir sur Arte

On reconnaît en effet les grands réalisateurs à leur capacité d'arpenter des chemins déjà fréquentés par beaucoup de leurs comparses et de les éclairer sous un jour si nouveau qu'on a l'impression de les voir pour la première fois. Take this waltz en est la parfaite illustration puisqu'il raconte l'histoire d'une jeune femme, épouse heureuse depuis 5 ans d'un auteur de livres de cuisine (Seth Rogen, parfait dans un emploi inhabituel de tendresse) qui va subir de plein fouet un coup de foudre pour son voisin (Luke Kirby, une révélation) rencontré fortuitement. 

Du déjà vu donc. Oui mais rarement avec cette finesse- là, ce souci permanent d'invention dans une mise en scène entièrement au service de l'intrigue, jamais tape-à-l'oeil, jamais tire-larmes. On vit cette histoire à travers le tiraillement de son héroïne dont le coeur a tranché en faveur du saut vers l'inconnu mais qui se refuse de blesser l'homme avec qui elle vit, " la personne la plus gentille du monde " comme elle le dit elle-même. Toujours exempt de sentimentalisme facile, on peut voir Take this waltz comme un Sur la route de Madison sexué. Un parfum de sensualité et d'érotisme électrise chaque scène que partagent cette épouse et son amant avec qui elle n'ose passer à l'acte. Comme cette déclaration d'amour riche en détails sexuels que celui-ci lui fait à la table d'un bar pour lui faire vivre par mots interposés leur première nuit d'amour qui peut être ne se produira jamais. 

Sarah Polley sait filmer comme peu le trouble des visages, l'embarras des corps, les fous rires et les larmes. Elle est sans cesse à bonne distance des personnages. Et aborde de front, sans fausse pudeur facile, les scènes de nudité ou d'amour physique. Take this waltz est tout le contraire d'une bluette platonique et cérébrale. Le sexe y est vécu joyeusement. La jouissance n'est jamais crainte. Dans le rôle central, Michelle Williams livre une nouvelle prestation fascinante. Son naturel, la manière dont son visage soudain s'empourpre, ses regards à la fois passionnés et perdus nous permettent de vivre le film intensément à travers les emballements du coeur balayant la logique raisonnable de son personnage. Servi par une B.O. magnifique (dont 2 titres du grand Micah P Hinson), Take this waltz n'a finalement qu'un gros défaut: celui de voir apparaître le mot fin à son générique.