Rien. C’est ce qu’obtient, en termes de nomination, La Vie d’Adèle d’Abdelatif Kéchiche. Et pourtant ce n’est pas faute d’avoir fait campagne avec un clip du film monté spécialement pour l’occasion et plutôt graphique. Après être passé à côté du Golden Globe au profit de La Grande Bellezza, La Vie d’Adèle ne concourra pas pour la statuette dorée le 2 mars prochain. Un accro de plus dans le parcours de ce film sublime, qui comme son prédécesseur Amour, avait pour l’instant suivi un chemin très clair : Palme d’or et nomination au Golden Globe. Or le long-métrage de Kechiche ne pouvait pas concourir à l’Oscar du meilleur film étranger parce qu'il était sorti trop tard sur nos écrans français (le 9 octobre) alors que le règlement américain exige une sortie nationale avant le 30 septembre. Mais le film événement de Kechiche ne figure pas non plus aux côtés des American Bluff et autre Gravity. Pourquoi ? des images trop « chocs » pour les Etats-Unis ? Un côté trop frenchy ? Peut-être, mais il semble plus sage de penser qu’il ne s’agit juste là que d’une confirmation : le film a moins plu aux USA qu’en France, l’histoire d’amour n’a pas franchi les barrières internationales où l’aura sulfureuse du film semble l’avoir emporté sur le fond.

D’ailleurs, du côté des nominations pour le meilleur film étranger, la France concoure quand même un peu aux côtés du Cambodge. En effet, le film L’image manquante de Rithy Panh qui avait obtenu le prix  Un Certain Regard au dernier festival de Cannes est une co-production franco-cambodgienne. Par ailleurs, les commentaires du  documentaire, qui raconte, à travers de l’animation en pâte à modeler et des images d’archives, les crimes des Khmers rouges entre 1975 et 1979, ont été écrits par Christophe Bataille. Il est le co-auteur, avec Rithy Panh, du livre dont le film est tiré : L’Elimination. Un petit lot de consolation que représente donc pour la France ce superbe et intense documentaire.

Mais les Français ne repartent pas bredouille de ces nominations. Et c’est même un secteur particulier du cinéma français qui se voit ici récompenser : l’animation. Réalisé par Benjamin RennerVincent Patar et Stéphane Aubier, Ernest et Célestine, adapté de la série de livres jeunesse de Gabrielle Vincent, est nommé dans la catégorie meilleur film d’animation. Ce dessin animé reprend le style "croquis aquarellé" des livres et offre une histoire simple, tendre et bien racontée. Et si en France, les voix n’étaient pas connues, hormis celle de Lambert Wilson, aux Etats-Unis, Ernest et Célestine était doublé par une pléiade de stars : Forrest Whitaker, Mackenzie Foy, Lauren Bacall, William H. MacyPaul Giamatti ou encore Nick Offerman. Dans le dernier numéro de Première, Pierre Coffin, le créateur de Moi, Moche et Méchant, parlant d'Ernest et Célestine, expliquait que « d’un point de vue esthétique et technique, c’est une grosse claque ». Il espérait même que Didier Brunner, le producteur du film, soit nommé aux Oscars car « c’est l’un des seuls producteurs français à savoir ce qu’il fait ».

Pierre Coffin justement. Il n’est pas à plaindre puisque son Moi, Moche et Méchant 2 est nommé dans deux catégories : meilleur film d’animation et meilleure chanson. En effet, Happy de Pharrell Williams, le héros des charts de l’été dernier avec Blurred Lines et Get Lucky, est la chanson de générique des nouvelles aventures de Gru et de ses copains jaunes. Toujours sur Moi moche et méchant, le cocorico ne concerne pas seulement la nationalité du co-réalisateur (Pierre Coffin donc) : si la production du film est bien américaine (Illumination Entertainment est une filiale d’Universal), c’est bien d’un savoir faire français dont il s’agit car MacGuff, le studio de création d’effets visuels où a été conçu le film, est français ! Moi, Moche et Méchant 2 termine, avec ces nominations, un parcours sans faute puisque le film est 1er du box-office 2013 français et 2ème du BO mondial, totalisant plus de 920 millions de dollars de recette.

Enfin, il y a une catégorie qu’on aurait tendance à passer sous silence car elle ne fait pas partie des soi-disant plus prestigieuses : celle des nommés au meilleur court-métrage. Et pourtant c’est dans celle-ci que la France se distingue également avec le court de Xavier Legrand, un acteur vu, notamment, dans Les Amants réguliers et Les Mains Libres, qui passe pour la première fois derrière la caméra. Et son film, Avant que de tout perdre, produit par Alexandre Gavras, a déjà été récompensé puisqu’il a reçu le Grand prix au festival de Clermont-Ferrand en 2013. Au casting, on retrouve Léa Drucker qui fuit, accompagnée de ses enfants, son mari Antoine (Denis Menochet), avec l’aide, entre autres, d’Anne Benoît.