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Quoi que les journalistes en disent, Supercondriaque est quasiment assuré de faire au minimum 3 millions d’entrées.

Il y a deux semaines de cela, Les Inconnus profitaient de l’excellent démarrage de leur film pour mettre en relief, partout où ils passaient, le décalage faramineux entre les goûts de la presse, qui avait majoritairement assassiné leur film, et ceux du public. Air connu. Au delà d’un raisonnement dont les données prêtent à discussion (un bon démarrage et une bonne moyenne d’étoiles n’ont jamais signifié une réelle adhésion du public pour un film ; pour cela il faudra surtout voir la manière dont il se maintient au box office), cette indignation surjouée laissait surtout pantois quant à sa cible principale, les journalistes donc.

Ce qui nous amène à une vraie interrogation : depuis quand se soucie-t-on de l’avis de la presse lorsqu’on réalise Les Trois Frères 2, come-back téléfilmé qu’on balance dans plus de 700 salles, histoire de faire une première semaine qui sauve les meubles ? Quel poids peuvent bien avoir les critiques dans cette équation-là ? A force d’être montée en épingle par le trio (on a même reçu un communique de presse à ce sujet), cette affaire qui n’en est pas une a d’ailleurs fini par devenir l’argument marketing majeur du film : vous allez bien vous marrer, la preuve les pisse froids ont détesté. Sur ce coup-là, bien joué les gars. Facile de parier que le même type de contraste sera pointé du doigt au moment de la sortie de Supercondriaque, demain. Pourtant quoi que les journalistes en disent, le film est quasiment assuré de faire au minimum 3 millions d’entrées, sans doute beaucoup plus. Dany Boon pourra encore noter le décalage "incompréhensible" entre la presse et le public (il le fait depuis les Ch’tis), multiplier les communiqués de presse en forme de triomphes et repartir en Californie. Nous voilà bien avancés.

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Le néant à contempler 
Le facteur que tout le monde oublie dans ce cas-là, c’est à quel point Les Trois Frères 2Supercondriaque ne se situent absolument JAMAIS sur un territoire de cinéma. Pas parce qu’il s’agit d’une comédie populaire française : des films récents comme RadiostarsIntouchables ou Le Prénom sont innervés par une vraie ambition de cinéma, hantés par des pures questions de mise en scène et de timing comique. Les films d’Onteniente ou de Chatilliez, qu’on les aime ou non, proposent des lectures sociologiques parfois senties de la France qu’ils décrivent. Ce n’est jamais le cas des longs-métrages de Boon ou des Inconnus, films repliés sur eux mêmes, objets informes dénués de toute ambition stylistique, d’une quelconque réflexion sur la manière de regarder le monde qui les entoure. Ni cynisme, ni sincérité ici, juste le néant à contempler et deux gags à saisir à la volée.

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Parce que c’est son métier, parce que ces films-là sont considérés comme des événements, le journaliste se doit forcément de publier son avis. Mais en général il n’a pas grand-chose d’autre à écrire que "c’est bien, j’ai ri", "c’est moyen, j’ai un peu ri", "c’est nul, j’ai pas ri du tout". Basta. Ramené au degré zéro de son métier, de la même manière que ces films se situent au degré zéro du cinéma. Rien à expliquer, rien à creuser, rien à commenter, rien à penser surtout : juste un réflexe pavlovien à poser sur le papier, une vague contextualisation en guise d’intro, et éventuellement un nombre d’étoiles à accoler à son texte. Dans ces cas précis, l’avis d’un critique vaut autant que celui de votre boulangère. Le journaliste le sait, le lecteur le sait, Les Inconnus et Dany Boon le savent encore mieux que les autres, même si ils font encore mine de s’en offusquer comme de petits enfants incompris. C’est un beau jeu de dupes auquel tout le monde se fait une joie de participer.
Fabrice Chaupi

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