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Tron L'héritage peine à décoller en France (un peu plus de 400 000 entrées en première semaine). Du coup, on s'interroge ici sur la véritable portée du premier Tron, de Steven Lisberger. Est-il si culte que ça ? Par François GreletFéérie électro-80’s shootée dans un imposant 70mm, prototype technologique de pointe proposant une imagerie hi-tech alors inédite au cinéma, Tron, premier du nom, était un objet cinématographique chatoyant, mais finalement anecdotique. Un film à l’intention des ados dans la droite lignée des productions SF-Fantasy chapeautées à l’époque par Disney (Le Trou Noir, Le Dragon Du Lac de Feu, ce genre).Le tour de force marketing opéré par la firme de l’Oncle Walt depuis plus d’un an consiste donc à nous faire croire que Tron, ce film que nous avions oublié sans regret jusque-là, possédait in fine une aura culte devant laquelle nous devrions tous aujourd’hui nous assujettir. Car, toujours selon Disney, Tron aurait gagné, Tron aurait vu le futur, et avec deux décennies d’avance, Tron aurait chanté (et changé) le cinéma électrique. Celui des Wachowski, de Pixar, du duo Neveldine/Taylor et même, allons-y gaiement, celui de James Cameron. Celui donc de la profondeur de champ infinie, de l’imagerie superflat, des tours de forces numériques, et des plongées en apnée dans les mondes virtuels. Bref LE cinéma du futur, qui comme chacun sait, se déroule aujourd’hui.Pour toutes ces raisons Tron 2 viendrait donc là, dans nos salles IMAX, empocher, 28 ans plus tard, L’Héritage d’un aïeul, qui n’avait connu en son temps qu’un succès pour le moins modeste. Hum. Le film de Joseph Kosinski ayant à peine fait frétiller le box-office US lors de sa sortie cet hiver et peinant un peu en France, on se permettra de constater que le fameux héritage, n’était peut-être pas aussi conséquent que Disney le croyait.Arrivé cinq ans après la première déferlante Star Wars, le Tron de Steven Lisberger était la réponse de la firme aux grandes oreilles à un George Lucas en train de leur ravir le marché très porteur du « moins de 16 ans ». Véritable machine de guerre construite dans le seul but de contrer l‘offensive lucasienne, Tron choisit malgré tout, et c’est là sa seule force, d’aller poser le pied là ou aucune production hollywoodienne n’était encore allée. En tentant le cross-over entre le cinéma et une imagerie vidéoludique balbutiante, Lisberger osait mettre une inconnue dans l’équation. Inconnue, qui scellera in fine le sort et la postérité de son Tron. Du coup le film a à peu près aussi bien vieilli que les jeux de l’époque, et déconnectée de toute ascendance, l’esthétique Tron a peut-être pû fasciner dans les six mois suivant sa sortie, mais s’est trouvée, aussi vite ringardisée qu’un moteur graphique laissé à l’abandon, sans update. Six mois après la sortie du film c’était d’ailleurs toute l’industrie des jeux-vidéos qui connut un krach sans précédent, krach qui faillit bien la couler pour de bon. Une coïncidence, vraiment ?28 ans plus tard, on peut toujours à chercher à débusquer en quoi Tron aurait bien pu pressentir notre rapport désormais quotidien au virtuel. Un dialogue visionnaire ? Un bout de décor passé dans la pop culture ? Un vague prophétie qui aurait fini par se réaliser ? Mais rien, nada, no data. Sous les visions obsolètes, ne reste qu’un tout petit film d’aventure pour kids, mais nulle trace de l’épopée cybernétique et visionnaire vantée par la critique (un peu) et son studio (surtout). Derrière les pixels délavés et les polygones ramollis, ne subsiste que la fascination d’une époque pour un futur cheesy et fluo. Là Tron trouve la place qui lui revient logiquement : coincé quelque part entre une émission des Bogdanov et un tube de Sigue Sigue Sputnik.Vous avez aimé Tron L'héritage ?