DR

Ce fut le sacre surprise vénitien : alors que le thriller hitchcockien de Xavier Dolan ou la nouvelle merveille de Hayao Miyazaki étaient annoncés favoris, c’est un documentaire italien, Sacro GRA, présenté le dernier jour du festival, qui rafle la mise. Sacro GRA (GRA comme Grande Raccordo Anulare) « raconte » le quotidien d’individus qui vivent, travaillent, évoluent autour de cet axe routier qui vomit chaque jour des milliers d’automobilistes. Ce documentaire très conceptuel est surtout le nouveau film d'un cinéaste atypique.

On sait peu de choses de Gianfranco Rosi, de ses méthodes, de ses financements. Italien, cinéaste-voyageur (on lui doit un doc sur le Mexique, un autre sur le quart-monde américain), à peine comprend-on que ce tenant du cinéma direct tourne beaucoup et trouve son sujet (ainsi que la forme de son film) sans plan préconçu, dans la lente infusion du quotidien qu’il investit et rend de manière poétique.  Pour Sacro GRA par exemple, il aura passé deux ans dans son mini-van, tournant autour du périph romain pour capter les vibrations de ses personnages, errants du bout du monde. Il y a Roberto, l’urgentiste qui brûle le macadam et sauve des vies dans son ambulance ; Francesco, un scientifique obsédé par les palmiers ; Cesare, un pêcheur du Tibre ; deux vieilles prostituées et deux nobles déchus (un père et sa fille)…  Comme dans Sous le niveau de la mer, son précédent film, Rosi s’attache à des individus cassés par la vie, des personnages lunaires ou carrément cinglés. Mais ce trailer montre que le cinéma de Rosi évite soigneusement tout misérabilisme et cynisme. L’ampleur existentielle (cosmogonique pourrait-on presque dire) de sa mise en scène et son sens du cadre (le plan sur le circuit de petite voiture ou la scène du type dans sa baignoire) évoquent finalement moins un épisode de Striptease que les chefs-d’œuvre ultra carrossés de Paolo Sorrentino.

Vu la bande-annonce, le Lion d'Or à Venise sonne moins comme un choix radical du jury que comme le triomphe d'un cinéaste majeur qui oeuvre dans (et sur) les marges et qu'il est enfin temps de vraiment découvrir.