HBO

Rencontre avec le showrunner Jesse Armstrong.

Scénariste de la série anglaise culte The Thick of It (et de son spin-off ciné In the Loop), du meilleur épisode de Black Mirror (The Entire History of You) et de l'hilarant We Are Four Lions, Jesse Armstrong devient aujourd'hui showrunner avec Succession, l'histoire d'une lutte intestine pour les clés d'un empire familial. Nous l'avions rencontré lors du festival Séries Mania 2018.

Série Mania 2018 : Succession (HBO), impressionnante lutte de pouvoir [critique]

En 2010 vous avez écrit un script intitulé Murdock, sur la famille du même nom, et les difficulté du patriarche à laisser l'un de ses fils prendre le contrôle de son empire. Le film n'a jamais vu le jour mais le lien avec Succession est une évidence. 
Le film est comme un cousin éloigné de la série. A l'époque, j'ai rencontré beaucoup de monde et eu plusieurs touches, mais personne n'a jamais signé. Au bout d'un moment, les choses n'avançant pas, le script s'est retrouvé au fond d'un tiroir et je n'y ai plus pensé. Jusqu'à ce que je lise un article sur Sumner Redstone (NDLR : patriarche de la surpuissante famille qui possède Viacom et CBS Corporation), qui blaguait sur le fait qu'il n'avait pas besoin de penser à sa succession puisqu'il n'allait pas mourir ! Je crois d'ailleurs que Murdoch avait dit à peu près la même chose... Alors j'ai commencé à me dire qu'il y avait peut-être une série à écrire sur cette génération d'hommes de pouvoir en voie d'extinction. Une histoire qui ne serait pas basée sur une vraie personne, plutôt une figure fictionnelle sur laquelle je pourrais calquer des traits de personnalité de Murdoch, Redston, Robert Maxwell ou Conrad Black.

Le thème de la succession a toujours été dans un coin de votre tête ?
Je crois que c'est venu en même temps. J'adore la politique, comme je l'ai montré avec The Thick of It et In the Loop, mais ce qui est passionnant avec les histoires de succession, c'est qu'à un moment le pouvoir est montré dans sa forme la plus brute. C'est une chose qui existe aussi bien dans le monde des affaires que dans une démocratie ou un club de football : dès qu'on parle de succession, il est censé y avoir des règles, des protocoles pour adoucir la chose, la rendre naturelle et inévitable. Mais ce sont des inventions. Au moment de la succession, rien n'existe à part le pouvoir, et c'est terrifiant. Dans le cas de la série, c'est carrément une guerre civile à l'échelle d'une famille. Des mômes qui se déchirent parce qu'on leur a toujours appris que rien n'est plus important que d'être à la tête de la firme.

Donc la gestion du pouvoir chez les gens riches a été votre carburant créatif ? 
Pas tout à fait. J'aime les histoires intimes, qui touchent aux relations humaines. Je pourrais très bien avoir écrit la même chose sur des gens qui se battent pour savoir qui reprendra le bar familial. Mais j'aime que ce ne soit pas juste une usine de saucisses : celui qui gagnera pourra affecter la politique et la culture à l'échelle internationale.

C'est devenu une tarte à la crème, mais dans votre cas ça semble s'appliquer puisque le film n'a pas été tourné : vous vous sentez plus libre à la télévision qu'au cinéma ?
Dans un sens, oui. La fiction a également été libératrice : comme Logan Roy n'est pas une vraie personne, on a eu les coudées franches pour raconter exactement ce qu'on voulait, sans être limité par la réalité. Mais effectivement, avec ces histoires de grandes dynasties, avoir dix heures pour explorer les personnages est une bénédiction.

Vous visez le long terme avec Succession ? La description de cette famille sur plusieurs années ?
On ne va pas faire cent épisodes, mais j'aimerais au moins avoir deux saisons. J'ai une idée globale d'où va l'histoire et de ce dont elle parle vraiment. Ce n'est pas le genre de série qui doit durer éternellement, sinon au bout d'un moment on commence à raconter n'importe quoi juste pour continuer. Je n'ai pas envie d'en arriver au point où c'est le chien de la famille qui prend le pouvoir (Rires).

Succession, sur HBO le 3 juin et le lendemain en France sur OCS en US+24.