Date de sortie 24 septembre 2014
Durée 150 mn
Réalisé par Bertrand Bonello
Avec Gaspard Ulliel , Jérémie Renier , Louis Garrel
Scénariste(s) Thomas Bidegain, Bertrand Bonello
Distributeur EuropaCorp
Année de production 2014
Pays de production France, Belgique
Genre Biographie
Couleur Couleur

Synopsis

1967 - 1976La rencontre de l'un des plus grands couturiers de tous les temps avec une décennie libre.Aucun des deux n’en sortira intact.

Anecdotes

Louis Garrel sur son rôle : "en interprétant Jacques de Bascher dans Saint Laurent (de Bertrand Bonello), j’ai découvert que jouer masqué procurait un plaisir aussi intense. C’est mon bad guy à la Marvel ! " [Premiere, Septembre 2015]

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Critiques de Saint Laurent

  1. Première
    par Sylvestre Picard

    1974. Une silhouette descend dans un hôtel. Yves Saint Laurent prend une chambre sous le nom de Swann. Dans sa chambre il passe un coup de téléphone à un journaliste, et raconte sa dépression pendant son service militaire, sa cure d’électrochocs et sa dépendance aux drogues. L’ouverture de Saint Laurent est un trompe-l’oeil. Avec sa référence proustienne et ce coup de téléphone en forme de confession, on aurait pu s’attendre à un biopic lisse et chiant, se réduisant à enfiler les anecdotes. Perdu. On n'est pas tellement plus renseigné sur la vie d’YSL en sortant du film de Bertrand Bonello qu’en rentrant dans la salle. Le biopic, le "d’après une histoire vraie", cet exercice casse-gueule (demandez à Olivier Dahan) étiré entre le vrai et le faux, entre le trop et le pas assez, qui prend le risque de se faire écraser par son sujet ou de passer à côté. De ce point de vue-là, on est rassuré. Saint Laurent par Bonello n’est pas un film linéaire bourré de caméos et de figures historiques. La connexion à l’histoire se fait le temps d’un montage passionnant en split-screen : à gauche les images d’archive de mai 68, du Viêt-Nam, de de Gaulle, etc ; à droite les mannequins des différentes collections défilent tandis qu’apparaît la date du modèle. L’image d’archive est réduite à son identité de simple image. Aux histoires réelles, Bonello préfère convoquer des divinités évidentes, littéraires, musicales et cinématographiques : à la fin le défilé de 1976 s’illustre par un split-screen complexe qui évoque une toile de Mondrian tandis que résonne le choeur d’ouverture de la Passion selon Saint Matthieu de Bach. Il y a Proust bien sûr (le pseudo de Swann, Bergé lui offre un tableau représentant la chambre de l’écrivain dans laquelle il finit par pénétrer), mais aussi Visconti puisque le couturier âgé est joué par Helmut Berger (l’acteur fétiche de Luchino s’endort devant une rediffusion en VF des Damnés, on sent que des analystes vont s’exciter là-dessus). Tout cela, c’est la surface, les symboles évidents, étalés devant nos yeux. Le film invite à aller au-delà, à pénétrer les terres dangereuses et chaotiques des souvenirs d’un homme : on traverse ses séquences comme les différentes pièces du tombeau d’un pharaon.

    La Passion selon Saint Laurent

    Un pharaon camé, accro aux pilules mais surtout à lui-même : voir cette séquence magnifique où YSL aperçoit sa future égérie Betty dans une boîte de nuit bondée, et le temps d’un plan, le couturier s’imagine lui-même à la place du mannequin. Bonello assène de (très) grandes séquences puissantes, au son de morceaux de blues et de soul déments, avec de (très) longs plans. La durée du film (2h30) se fait sentir, mais c’est le prix à payer pour ressentir à quel point le YSL joué par Gaspard Ulliel -génial car il ne joue pas le mimétisme à tout prix- ne peut trouver l’apaisement et le repos (l’étymologie de requiem) dans ce bas monde. Peintre frustré, monstre d’égoïsme (il donne mille balles à une couturière pour qu’elle puisse avorter, et s’arrange pour la faire virer après), YSL se perd à la recherche de quelque chose d’indicible -il erre avec son amant, le dandy Belle Epoque Jacques (Louis Garrel dans son meilleur rôle, et de très loin) dans un labyrinthe en quête de gitons, avant de se perdre avec lui à coups de drogues et de partouzes homo et d’être à moitié sauvé de l’autodestruction par Pierre Bergé (Jérémie Renier le compose avec conviction, à la fois réaliste et amoureux). "Ce que nous faisons n’est-il pas insignifiant ?" demande Yves à Pierre. Effectivement. A la fin le décès d’YSL en 2008 sera évoqué lors d’une réunion de journalistes de Libération qui cherchent surtout à placer un bon titre. L’un d’entre eux est joué par Bertrand Bonello himself, qui se demande comment parler "de la drogue et de l’alcool" dans l’article. Au bout du chemin, loin des modes et des robes, Saint Laurent est une nécrologie au sens propre : un film sur la connaissance de la mort. Magistral.

  2. Première
    par Laura Meyer

    1967-1976 : une décennie dans la jeunesse d’Yves Saint Laurent. Il crée, fait la fête, se drogue, se couche... Un tourbillon d’images de gloire, d’angoisse et de perdition qui s’effilocheront, plus tard, dans la mémoire du couturier vieillissant. Le cinéma de Bertrand Bonello se consomme comme de l’opium, le stupéfiant qui donne son nom au plus célèbre parfum de la marque YSL. Déjà "L’Apollonide" démarrait par la supplication lasse d’une fille de joie : « Je voudrais dormir mille ans. » À l’employé d’hôtel qui l’accueille au début de Saint Laurent, celui-ci ne dit pas autre chose : « Je suis là pour dormir. » Chaque fois, sous sa forme opiacée, le sommeil est le véhicule qui annihile le temps, propulsant la figure de la prostituée au siècle suivant et l’artiste vendu dans les méandres d’une existence passée mais jamais révolue. C’est d’abord cette transe proustienne infusant la mise en scène qui protège le film des lourdeurs et des facilités du biopic. Long – un peu trop sans doute –, fait de vide et d’opulence, il s’étend dans un étourdissant luxe de visions où le sensoriel prime sur le factuel. Ici, on drague en plan-séquence, on se souvient en split screen et on glisse sur du velours underground. La volupté du sexe et de la drogue frôle la douceur de l’amitié, l’adrénaline de l’inspiration, la froideur des négoces, les ravages de la névrose et du manque... Dans ce théâtre paré d’étoffes somptueusement assemblées (Bonello filme extrêmement bien les robes) où se rejouent des impressions tantôt vivaces, tantôt spectrales, la grande idée du film est de superposer deux Saint Laurent. Le jeune, incarné par Gaspard Ulliel, dont l’antiperformance est à la hauteur des subtilités de cet antibiopic. Puis, quand on bascule dans la stase mémorielle, le couturier malade et fatigué prend les traits épaissis du mythique interprète viscontien Helmut Berger. De la beauté, que restera-t-il ? Le souvenir d’un goût sur la langue ? L’œuvre de ceux qui la prendront pour modèle ? Des initiales sur un vulgaire sac en cuir ? Cherchant l’éternel dans l’éphémère, la grandeur dans la frivolité, Saint Laurent parvient à capter l’esprit d’une époque et de la mode en général, qui passe mais se sédimente. Le regard est pourtant acerbe, décomptant le prix que le créateur aura dû payer pour avoir monnayé son art au commerce – on en revient à "L’Apollonide". Reléguant au second plan la figure de Pierre Bergé, le compagnon mécène, au profit de la passion toxique avec Jacques de Bascher, tracée comme une ligne de fuite, le long métrage libère son sujet de son image de génie fragile et infantilisé. Un homme volontiers méchant, souvent magnifique, traversé par le temps. Perdu, et perpétuellement retrouvé.

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Casting de Saint Laurent

Gaspard Ulliel
Yves Saint Laurent
Jérémie Renier
Pierre Bergé
Louis Garrel
Jacques de Bascher
Léa Seydoux
Loulou de la Falaise