Bipolarité et scénario perdu : l’histoire vraie derrière Le Livre des solutions de Michel Gondry

Le cinéaste nous raconte comment son expérience douloureuse sur L’Écume des jours a donné lieu à ce film avec Pierre Niney, à présent disponible en VOD, DVD et blu-ray.

Dans Le Livre des solutions, Pierre Niney joue Marc, alter ego de Michel Gondry et réalisateur fantasque, qui s'enfuit avec toute son équipe dans un petit village des Cévennes, afin de finir son film chez sa tante Denise (Françoise Lebrun). Loin du regard de ses producteurs parisiens qui ne comprennent rien à son projet, Marc arrête son traitement médical et plonge dans le chaos de ses idées incessantes…

Cette comédie, qui arrive aujourd'hui dans nos salons (au choix en VOD, DVD ou blu-ray), est quasi autobiographique pour Gondry.

Son origine remonte à 2012-2013, au moment du tournage et du montage de L’Écume des jours. L’adaptation forcément casse-gueule du roman adoré de Boris Vian épuise le cinéaste, qui explose en plein vol : « Je prenais des médicaments pour l’humeur et des obsessions intenses qui m’empêchaient carrément de vivre. Durant le tournage, ça s’est dégradé », confiait le réalisateur dans le numéro de Première de septembre (avec Jonathan Cohen en couverture).

« À la fin, je suis resté dans le studio pendant un mois et demi. J’avais l’impression de laisser tomber Boris Vian, de ne pas être à son niveau… Pour l’équipe, aussi, c’était très dur : j’avais de nouvelles idées tous les jours. Parfois complètement absurdes, parfois – je crois – assez géniales. On a commencé le montage et j’ai arrêté mon traitement. Là, mon esprit a explosé. Un mélange de mégalomanie et de peur, avec des moments super intenses où j’avais l’impression de faire partie de l’Histoire, de créer des choses totalement innovantes. Je le dis sans honte, parce que je n’étais pas vraiment moi-même. Mais en même temps, parfois, je regrette cette sensation enivrante... Un psychiatre m’a diagnostiqué bipolaire peu après. Pouvoir réaliser L’Écume des jours était un cadeau empoisonné : chaque lecteur avait en tête ce à quoi devait ressembler le film. Je voudrais faire une version de quatre heures, même si c’est infernal à regarder. Il y a un tiers des plans tournés que je n’ai jamais vus. »

Quelques années plus tard, Michel Gondry va mieux. Son traitement médicamenteux a éloigné la paranoïa, le sentiment de toute-puissance et les descentes foudroyantes. Il commence à rédiger un script qui s’inspire de son expérience sur L’Écume des jours, mais aussi sur ce fameux « livre des solutions » qu’il a réellement écrit à une autre époque.

« Juste avant de faire Eternal Sunshine of the Spotless Mind, j’ai rempli un cahier en écrivant tous les problèmes rencontrés sur Human Nature [son premier film, sorti en 2001] Puis je l’ai retourné et j’ai noté toutes les solutions à ces problèmes. Le personnage que joue Pierre Niney dans Le Livre des solutions, c’est moi à 70 %, environ. J’ai écrit Le Livre des solutions en 2018 ou 2019, en anglais, parce que la langue mettait de la distance. Je n’avais pas envie de me confronter directement à L’Écume des jours et à ce que j’avais vécu. Mais le script était perdu dans mon ordi pendant des années ! Mon ancien assistant, un excellent bidouilleur informatique, a réussi à le déterrer et a littéralement sauvé le film. J’avais pensé à Adam Driver pour le rôle, et puis j’ai transposé le projet en France, parce qu’on arrivait mieux à le produire ici. Il était évident que serait Pierre Niney, acteur génial qui n’a pas hésité un instant à être énervant. Je ne voulais pas qu’il essaie d’être sympathique, mais il fallait que les gens l’aiment bien. Il faut un sacré niveau de jeu pour tenir ça. »