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Sublimes créatures sort en salles françaises le 27 février : adapté du roman 16 Lunes, cette romance surnaturelle située dans le Sud profond a beau surfer sur la vague young adult -Twilight, Hunger Games- on est loin de l'univers de Stephenie Meyer. Explications.

Créatures célestes

A l'origine, il y a un roman, écrit à quatre mains par Kami Garcia et Margaret Stohl, deux écrivains qui se sont rencontrées car leurs filles étaient dans la même classe. Kami, ex-ado gothique (d'après sa bio officielle, elle "s'habillait en noir et passait des heures à écrire de la poésie dans des cahiers à spirales") a appelé ses chiens Spike et Oz d'après la série télé Buffy - et la plus sérieuse Margaret, qui a travaillé dans l'industrie du jeu vidéo, ont sympathisé et se sont mises en tête d'écrire un roman -mais leurs filles les ont mises au défi d'écrire un livre de fantasy qui soit le "moins générique possible", pas une simple copie de Twilight avec un garçon comme narrateur et des magiciens à la place des vampires et autres loup-garous. 16 Lunes raconte donc l'histoire d'Ethan, un ado ordinaire qui tombe amoureux de Lena, qui se révèle être une enchanteresse ("Caster"), douée de pouvoirs magiques qui subira le jour de ses 16 ans une épreuve qui déterminera si elle fera partie du camp de la Lumière ou des Ténèbres. le tout dans la petite ville de Gatlin, au plus profond de la Caroline du Sud, hantée par les conflits de famille et les fantômes de la Guerre de Sécession. "On a été inluencées par les oeuvres d'autres grand écrivains du Sud, comme Harper Lee [Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, NDLR], Flannery O'Connor et les romans "southern gothic" d'Ann Rice", raconte Kami au site Bookdivas en mars 2010. Margaret ajouté que ce qui a donné naissance au bouquin est "la sensation de naître dans une ville qui ressemble à un bocal à poissons, où tout le monde connaît tout ce qui est arrivé à tout le monde, et connaît tout ce qui va arriver à tout le monde." Ajoutez à cela des références inhabituelles dans le genre young adult (la beat generation, Charles Bukowski et Kurt Vonnegut sont cités explicitement) et vous obtenez un premier roman sorti en décembre 2009 -alors que la vague "bit lit" est relancée par la sortie du premier film Twilight- et qui connaît un énorme succès, traduit dans la foulée dans plus de quarante pays où il a été vendu à plus d'un million d'exemplaires en 2010...

 

Les Créatures du sud sauvage

Un succès littéraire qui amène en parallèle la question de l'adataption au cinéma. Conscient du potentiel du sujet, Warner acquiert dès la publication de 16 Lunes les droits d'adaptation sur grand écran. Et choisit de marquer la différence avec Twilight en choisissant Richard LaGravenese comme réalisateur. "J'aime les histoires surnaturelles qui naissent d'une mythologie bien construite," déclarait LaGravenese à Variety lors de la signature de son contrat avec Warner, "et j'ai aimé que ce roman raconte une histoire de premier amour dans un cadre fantastique." Car si LaGravenese s'est fait connaître comme metteur en scène de romances bien mélo (PS I Love You), il a surtout signé les scripts -remarqués- de Fisher King de Terry Gilliam ou Sur la route de Madison de Clint Eastwood. Et dernièrement celui de De l'eau pour les éléphants... Manier la romance tout en captant les dernières flamboyances du Sud profond : c'était la double mission du réalisateur. Alors que les nouveaux venus Alice Englert (la fille de Jane Campion, révélée dans Ginger & Rosa avec Elle Fanning -toujours inédit en France) et Alden Ehrenreich (vu dans Tetro de Francis Ford Coppola) ont la lourde tâche d'incarner le duo Lena / Ethan, LaGravenese embauche pour les six semaines de tournage de son film un cast de seconds rôles VIP. Du côté des gentils, Jeremy Irons joue l'Enchanteur Macon, gentleman du Sud mystérieux et misanthrope, et Viola Davis (La Couleur des sentiments) prête ses traits à la bibliothécaire Amma. Face à eux, Emma Thompson incarne Mme Lincoln, intégriste catholique aux pulsions obscures et Ridley l'Enchanteresse sexy vouée aux ténèbres est jouée par Emmy Rossum. "Ca ne ressemble pas à Twilight, ni à Hunger Games", résumait cette dernière à Collider lors du tournage.

 

Créatures féroces

Évidemment, Sublimes créatures n'est que le premier volet des aventures romantico-fantastiques de Lena et Ethan. Trois suites sont déjà parues, 17 Lunes (Beautiful Darkness), 18 Lunes (Beautiful Chaos) et 19 Lunes (Beautiful Redemption), plus une nouvelle inédite en français, Dream Dark. Qui amène progressivement la menace d'une apocalypse prochaine dans l'univers des Enchanteurs. De quoi fournir matière toute la matière de plusieurs suites si Sublimes créatures cartonne au cinéma. Mais voilà, sorti dans les salles américaines le 14 février dernier (pile pour la Saint-Valentin), le film a dû affronter la sortie simultanée de Safe Haven, un mélo guimauve adapté de Nicholas Sparks (The Lucky One) et parfaitement calibré pour la fête des amoureux. Et Safe Haven, plus généraliste et plus sécurisante ("safe"), est sorti vainqueur au box-office... A moins que le problème n'ait été ailleurs. Dans le paysage du cinéma mainstream, les forts partis pris de Sublimes Créatures lui ont peut-être porté tort : ainsi cette scène révélatrice où le personnage d'Emma Thompson se livre dans une église à un speech haineux (anti-homosexualité, anti-jeunes...) et présenté tel quel, propulse le film à des années-lumières de la morale consensuelle du très conservateur Twilight. On vérifiera ça en salles dès mercredi.