Toutes les critiques de Bad santa

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Pas encore tout à fait Noël et pourtant déjà Bad Santa sur nos écrans. Faut-il croire que l'objet risquait d'en déranger certains s'il sortait en France pendant les fêtes ? Possible. Pourtant, sous son aspect débraillé, le nouveau film de Terry Zwigoff se révèle bien plus correct qu'on ne l'espérait.
    C'est connu, le rire est affaire de morale. Le rire divise tout comme il fédère. Pour Bergson, il était du mécanique plaqué sur du vivant. A moralité du rire et donc de la comédie, moralité du cinéma. Comment faire rigoler son client n'est pas une mince affaire, tout est question de dosage, contexte, référence, décalage, ton, rythme, bref, l'affaire est complexe et plutôt ancienne. Lorsqu'on se souvient du film précédent de Terry Zwigoff, a priori, on est plutôt confiant. Ghost World, chronique adolescente sur l'adolescence adaptée avec génie du comics de Daniel Clowes, savait avec une justesse précieuse nous narrer et montrer le moment très précis du passage nécessaire à l'âge adulte. Se dévoilait avec un sens de l'allégorie délicat un regard très complice, empreint d'une affection sans mesure de Zwigoff pour des personnages de loser génial. Amoureux des marginaux, il filmait aussi bien le fantastique tapi dans le réel d'une Amérique banlieusarde que les doutes et le goût pour le cynisme d'Enid, héroïne étrangement torride interprétée par Thora Birch. Ghost World était aussi drôle qu'émouvant, profondément attachant, il réussissait de véritables miracles où entre moquerie et lucidité se partageait un équilibre parfait. Zwigoff faisait preuve d'un sens accru pour faire jaillir l'absurdité d'une situation banale, quotidienne, tout en la ramenant toujours dans la perspective décalée de son héroïne.Avec Bad Santa, comédie prenant comme idée une démystification du Père Noël, Zwigoff fait beaucoup moins rire ou s'attendrir. Encore une affaire de dosage, mais pas seulement. Film un peu trop longtemps resté dans les placards de Miramax avant de trouver un distributeur décidé en France (pour une version non censurée), on pouvait se demander si déjà ce n'était pas mauvais signe. Un peu. Bad Santa, c'est donc surtout Billy Bob Thornton, sur lequel se repose beaucoup le film, en Père Noël alcoolique, obsédé et vulgaire qui avec son complice, Tony Cox (hilarant dans Fou d'Irène), se font embaucher dans des centres commerciaux pour les braquer. Décalage. La comédie de Noël marche ici avec un sens constant du contre-emploi, un mauvais esprit qui cherche à saper chaque archétype de ce moment festif et religieux de fin d'année.Furieusement politiquement incorrect, Bad Santa enchaîne de scènes en scènes les meilleurs moyens de tourner en dérision toute vision idyllique de Noël et de son personnage bedonnant si innocent. Parents, enfants, préjugés sur les nains, les noirs, tabous, tout y passe joyeusement pour nous amener à la vérité inéluctable de l'hypocrisie ambiante. Thornton en rajoute, se complaît dans sa figure de loser, il baise pendant son boulot, vomit sur les enfants, il est vraiment très très bad pour le coup. Pourtant il s'agit, comme toujours chez Zwigoff, de faire de cette figure un personnage auquel on s'attache, non pas pour justifier ses actes mais pour que ces derniers soient compréhensibles. Zwigoff est évidemment un humaniste, méchant, cynique mais toujours tendre.Seulement Bad Santa s'enlise, se répète, déplie certes sans retenue diverses situations excessives pour son personnage, mais ne peut s'empêcher de finir par devenir lassant, peu drôle. Zwigoff ne paraissant pas totalement convaincu par son film, Bad Santa devient poussif. Le politiquement incorrect se révélant sage, prévisible, au fond très correct dans une perspective inversée. Thornton peine à faire rire tant ses excès tournent finalement autour de si peu de choses, d'une démystification qui se mue en blague ratée, à un script manquant d'inventivité et une mise en scène absente d'un rythme soutenu dans l'enchaînement des situations. Bad Santa se révèle une comédie plutôt ratée, plus fine et juste que notre Père Noël est une ordure mais moins drôle. En soi, toute affaire de morale mise à part, c'est un peu gênant pour une comédie. Bien que de morale dans Bad Santa il y ait, et que la rédemption, ce modèle classique, finisse par l'emporter. Drôle de conclusion de rentrer dans le courant des choses pour un film qui se voulait justement tant à contre courant.Bad Santa
    Un film de Terry Zwigoff
    Etats-Unis, 2004
    Durée : 98 min (version non censurée)
    Avec : Billy Bob Thornton, Tony Cox, Brett Kelly, Bernie Mac...[Illustration : Billy Bob Thornton. Photo © Gaumont Columbia Tristar Films]
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