Toutes les critiques de I, Robot

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Longue pause pour Alex Proyas entre son beau « Dark City » et ce tout neuf « I, Robot ». Quelques années de silence où l'on croyait l'auteur un peu maudit. Pourtant le revoilà blockbusterisé dans une adaptation inspiré d'Asimov, avec un Will Smith à l'ancienne combattant des robots ultra modernes.
    L'inspecteur Del Spooner (Will Smith) est un flic à l'ancienne. Tout chez lui renvoit au passé. Un passé qui justement passe mal. Il vit dans un appartement de Chicago où, entre la décoration et sa chaîne stéréo JVC, rien ne fait partie de ce monde ultra moderne de l'année 2035. Il porte des chaussures Converse datées de 2004 (clin d'oeil), conduit sa voiture en mode manuel, pilote une moto à essence (une hérésie !), et mange tous les jours chez sa grand-mère. Celle-ci vit dans un logement tout autant à l'opposé de cette architecture futuriste. Pourtant le futur nous y sommes : ce présent, c'est l'ère des robots domestiques. Censés aider et protéger les hommes, ils sont régis par trois lois fondamentales les empêchant de porter atteinte à la vie. Mais Spooner est méfiant, paranoïaque, ces robots, il est résolument persuadé qu'ils ne sont pas infaillibles. Son enquête qui va le mener à découvrir les circonstances du suicide d'un prestigieux scientifique venant d'élaborer une nouvelle génération de robot (les NS 5) va lui donner raison, et tort à la fois.Entre Dark City et I, Robot, plusieurs similitudes s'imposent. On retrouve ce même souci d'apporter un décalage. Si l'univers de Dark City empruntait autant à la science fiction, au polar, au fantastique, avec ces décors gothique délirants, dans I,Robot la fracture se joue ailleurs. L'univers de I,Robot est plus synthétique. A part les oppositions architecturales de certains lieux et intérieurs, le monde est lisse, uniforme, entre béton et surface vitrée, voies rapides, gadgets électroniques et informatisation de chaque chose. Le décalage existe par la figure de Spooner. Ce personnage est en totale rupture avec cet univers de science fiction. Spooner vient plutôt des héros de films d'action classique. Avec ces systématiques « punchline », ses répliques au second degré, son mauvais esprit, toujours prompt à passer pour plus bête qu'il n'est. Spooner est un archétype du cinéma d'action né des années quatre-vingt. Il apparaît donc comme ce que Will Smith a toujours fait.Au début ceci paraît gênant, on s'imagine ce qu'un Spielberg après Minority Report (ou Ridley Scott après Blade Runner) aurait fait d'un tel sujet. On pense à un acteur d'une autre tenue, explorant la complexité du personnage, ses névroses, son rapport aux robots, à la fois physique et traumatique. Puis au fur et à mesure, étrangement, ce qui apparaissait comme une erreur de casting commence à s'effacer. Will Smith arrive à s'imposer justement par ce décalage nécessaire. Sans que son humour n'arrive pour autant à gommer son obsession, ses peurs, son monde intérieur, celui-ci émerge, il trouve son pendant dans l'action. Dans cette exploitation continue de scènes d'action efficaces où le corps de Will Smith donne au personnage une dimension convaincante.Ainsi, ce récit trouve son équilibre. On y retrouve le goût de Proyas pour les enquêtes très classiques, lointainement issues du film policier traditionnel, presque noir, entre film de science fiction, réflexion sur le devenir humain des machines, blockbuster et actioner basique. I,Robot avance en ligne droite, parsemé d'embûches. Il déjoue parfois nos prévisions, arrive à nous émouvoir, devient même génial et inventif lorsqu'il s'agit de filmer l'action. Proyas se révèle d'ailleurs autant à l'aise dans les scènes intimistes (où Will Smith est aussi parfois convaincant) que dans celle-ci (le final est grandiose). Il trouve le bon rythme et jamais I,Robot n'arrive à frôler l'ennui. On regrette parfois l'ampleur possible de certaines scènes (le soulèvement des machines, fort mais un peu tard ou un peu rapide), l'exploration des personnages ou des thèmes, mais sa manufacture précise et huilée finit souvent par l'emporter.Certes, la réflexion sur « le fantôme dans la machine », thème obsessionnel de Oshii Mamoru (Ghost in the shell) n'est pas poussée aussi loin qu'elle aurait pu l'être. Mais était-ce vraiment le but de Proyas ? Sonny, ce robot messie, sorte de Moïse des robots, est travaillé avec une telle précision, son visage, aux expressions parfois trop humaines donc détraquées, trop visibles, fausses, nous pousse avec une certaine simplicité à la réflexion. Il devient sans l'être, personnage réel et fictif à la fois, émouvant et étrange. Plus que tout autre personnage de synthèse filmé dans un monde « réel » à ce jour, ce Sonny pourrait bien être, après le Hulk d'Ang Lee, la preuve irréfutable que l'humain est une question de vision.I,Robot
    Un film d'Alex Proyas
    Etats-Unis, 2004, 120 mn
    Avec : Will Smith, Bridget Moynahan, Alan Tudyk, James Cromwel
    Sortie nationale le 28/07/2004[illustrations : © UFD]
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