Le Monde de demain
Arte

En six épisodes à la direction artistique irréprochable, le récit de l’avènement de la culture hip-hop en France, vu à travers les débuts de NTM.

Revoilà NTM, quelques mois après Suprêmes, le film d’Audrey Estrougo. Ce Monde de demain co-réalisé par Katell Quillévéré et Hélier Cisterne est une série en six épisodes qui encapsule les quelques années qui ont vu l’émergence de la culture hiphop en France. Une culture venue des États-Unis, incarnée chez nous dans son versant parisien par le 93 NTM et ses deux leaders Kool Shen (Anthony Bajon) et Joey Starr (Melvin Boomer). Ces deux-là, voisins dans une cité de Seine-Saint-Denis, vont embrasser de façon spontanée tous les aspects de ladite culture (danse, graffiti…) avant de se fixer sur le rap et connaître la gloire.



Ce Monde de demain est donc celui d’hier. Nous sommes dans les années 80, une époque où un voyage vers les États-Unis avait encore un parfum d’épopée dont chacun(e) repartait avec un morceau du rêve étoilé. Daniel, lui, revient de San Francisco en 1983, avec les sons d’un sound-system porté par les boucles funky d’Afrika Bambaataa et sa philosophie afférente : Peace, love and unity. La série débute à la manière d’un conte avec sa forêt,son grand petit poucet, le futur DJ Dee Nasty (Andranic Manet) guidé, hors champ, par les fameux beats syncopés. L’une des grandes qualités de la suite est de réussir à faire cohabiter un récit à la portée quasi documentaire, et un désir de célébrer la part d’innocence, voire rêvée, d’une aventure humaine exceptionnelle. Formidable séquence que cette soirée sauvage dans un terrain vague parisien où les charges de la police n’empêchent pas un baiser hollywoodien en contre-jour de Kool Shen et Lady V (Laïka Blanc-Francard). 

Les deux réalisateurs sont parvenus à recréer une énergie et un élan. Si l’ensemble apparaît un poil carré dans son écriture avec des arcs narratifs dosés au millimètre répondant au cahier des charges d’un format sériel normé, les échappées sont suffisamment nombreuses pour faire déborder le cadre. Car c’est bien de débordements qu’il s’agit, dans une société française au moral sapé par les promesses non tenues d’un président socialiste. Le hip-hop, dans la foulée du punk, dont il est une sorte de miroir inversé, sera bientôt récupéré par une industrie musicale vorace. Mais dans cet avant-1991, une révolution artistique, donc idéologique, est à l’oeuvre. Kool Shen et Joey Starr en sont certes les épicentres, mais gravitent tout autour des individualités qui portent le bel édifice. Elles aussi sont le Monde de demain.